L’entretien semi-directif est une technique de recueil de données qualitative qui facilite l’obtention d’informations sur une thématique ciblée. Ainsi, « la pratique de l’entretien, quelle que soit sa forme spécifique, sert […] à produire des données permettant avant tout de mieux saisir la singularité de l’expérience que des individus ou groupes d’individus ont de leurs relations avec les autres, avec les institutions, ou plus largement celle qu’ils ont de phénomènes sociaux » (Pin, 2023).
Pin (2023) explique que « l’entretien semi-directif est une interaction verbale sollicitée par l’enquêteur/-trice auprès d’un-e enquêté-e ». De plus, « dans le cas de l’entretien semi-directif, la situation d’interaction a ceci de particulier que l’enquêté-e est de prime abord placé-e dans un rôle d’informateur/-trice, de détenteur/-trice d’un savoir (commun, non scientifique) précieux sur le thème d’intérêt de l’enquêteur/-trice. » (Pin, 2023).
Dans le cadre de l’expérimentation menée au sein du P.E.I, un guide d’entretien semi-directif a été utilisé afin de permettre aux enseignants et formateurs d’exprimer de façon individuelle leurs images identitaires et, notamment, leur image de soi pour soi (Barbier, 2006) et leurs représentations socio-professionnelles (Fraysse, 1998, 2000) en lien avec la gestion de groupes-classes hétérogènes.
Le guide d’entretien de post-observation a été structuré autour des thématiques suivantes :
- L’intérêt porté au projet ;
- La méthodologie de la séance filmée (intérêt du contenu travaillé, objectifs, caractéristiques du groupe-classe, stratégies pédagogiques, difficultés, avantages…) ;
- L’analyse de la pratique enseignante (images identitaires, réalités, défis, adéquation du parcours de formation initiale et continue et des expériences professionnelles associées aux nouveaux défis éducatifs) ;
- Les besoins en termes de formation pour agir face à l’hétérogénéité des apprenants.
Enfin, la dernière partie de l’entretien visait à permettre aux enseignants et aux formateurs de donner des conseils à de futurs enseignants sur la gestion de l’hétérogénéité en contexte scolaire.
L’ensemble des entretiens de post-observation a été filmé dans le but de pouvoir explorer plus précisément les éléments produits par les enquêtés. Chaque entretien a duré 50 minutes en moyenne. Ces derniers ont été effectués en présentiel et en distanciel, en fonction de la disponibilité des participants. Le corpus d’entretiens a été retranscrit dans sa totalité.
Pour l’analyse, le logiciel Trameur a permis d’effectuer des calculs d’occurrences. L’utilisation de ce logiciel d’analyse textométrique et lexicométrique avait pour but de renforcer l’exploration des formes linguistiques prélevées dans les entretiens menés. En effet, cette double méthode permet d’examiner et de traiter de façon plus détaillée le discours des enquêtés (Maingueneau, 2010 ; Moreno, 2016, 2018)
Au travers des verbatim suivants, les enseignants et formateurs expliquent pourquoi ils considèrent que leurs classes sont hétérogènes :
« Dans mes classes, on a beaucoup de profils d’élèves avec des scolarités morcelées, des fragilités. »
« Je pense que c’est très visible. On a des élèves qui suivent une option horaire aménagé « musique et danse » : ce sont des élèves issus d’un milieu social plutôt favorisé avec des connaissances et des compétences qui dépassent ce qu’on apprend à l’école. Des codes, des savoirs, une culture, et puis, pour équilibrer ces classes, […] on va plutôt mettre des élèves qui ont des profils fragiles en termes de compétences scolaires, voire certains qui sont en décrochage. Il y a certain nombre d’élèves dans la classe qui bénéficient d’un aménagement avec des PAP, des Plans d’Accompagnement Personnalisé. »
« Il y a différents niveaux aussi bien en français qu’en anglais. Déjà, il y a des élèves qui sont nouvellement arrivés en France, qui sont allophones, […] qui ont très peu d’acquis sur les années précédentes. »
« J’ai presque la moitié d’élèves allophones, des niveaux scolaires différents. […] J’ai aussi une partie d’élèves qui ont d’autres difficultés. […] Beaucoup d’élèves viennent de la SEGPA. […] Ils n’ont pas du tout les mêmes difficultés. Certains relèvent d’ULIS, puis on a évidemment des élèves qui ont des DYS. […] Donc, avec tout ça, on s’adapte ! »
« Dans cette classe-là, il y a des élèves qui sont sur un parcours individualisé. Donc il y en a certains qui passent le diplôme et il y en a qui ne passent pas de diplôme. […] J’ai un élève qui ne peut pas monter sur un escabeau, donc forcément j’ai dû choisir son espace de travail et mettre en place des binômes de façon à ce qu’il puisse réaliser correctement la tâche. Il est épileptique. Alors dans cette classe, qui est au nombre de 15, j’ai des profils de façon assez large : j’ai des élèves qui viennent de la SEGPA, des élèves qui sont en soutien ULIS, j’ai un élève qui est rattaché à un IME. En dehors de ça, j’ai des élèves en parcours 2 ans, parcours 3 ans, avec des portefeuilles de compétences, des allophones, des élèves avec trouble de comportement ou de l’apprentissage. Et voilà ! »
« Alors déjà, c’est un groupe formation continue. Donc adultes, dans le sens où certains ont déjà des expériences en entreprise. Pour certaines en logistique, d’autres pas. Différents âges, évidemment, différentes nationalités, avec donc certaines personnes qui, en termes de langage, ont quelques difficultés avec des mots de la langue française. Alors encore plus avec des termes techniques ! Donc il y a quand même une hétérogénéité entre les différents apprenants du groupe. Donc voilà ce qui me paraît pour moi, en tant que formateur, parfois le plus difficile à mettre en musique. »
« Elle [ma classe] est hétérogène sur tous les aspects. Là, la moyenne d’âge est plus ciblée que d’habitude sur ce type de session et, néanmoins, on a des personnes d’horizons complètement différents. Certains sont présents parce qu’il y a eu du décrochage scolaire ; d’autres parce qu’il y a eu non réussite dans l’apprentissage une première fois ; d’autres encore parce qu’ils viennent d’ITEP, donc d’organismes spécifiques. Et la plupart on n’a pas eu de parcours. […] On a des jeunes qui ont dès 15 ans et jusqu’à 18 ans, et qui viennent d’horizons sociaux complètement différents. Certains sont polyglottes, certains parlent jusqu’à trois langues. D’autres parlent d’autres langues, dont le français est plutôt… pour qui ce n’est pas la langue maternelle. […] C’est quand même assez hétérogène. »
« Parce que j’ai plein de niveaux différents dans cette classe. Donc, derrière, il y a Julia, qui a un niveau très élevé. Donc l’une des choses que j’ai installées, c’est que, dans chaque évaluation, et même aujourd’hui, il y aura toujours une question qui demande un peu plus de subtilité, de réflexion. Donc ça, c’est vraiment visé à ces élèves-là, qui ont un niveau un peu au-dessus. Après, il y a les questions plus faciles : des questions pour que les élèves au niveau moins élevé puissent répondre sans autant d’analyse. Donc il y a la possibilité pour ces élèves-là d’aller plus loin. […] L’hétérogénéité, elle est là et ça peut être pour plein de raisons : soit quelque chose est arrivé au collège, ou peut-être à la maison, ils n’ont pas les mêmes outils que Julia a derrière, ils n’ont pas le même soutien… Souvent, on voit les différences entres les élèves qui viennent des familles favorisées et moins favorisées. On voit ça dans le travail en fait. »
