Comme le souligne Xavier Vigna dans son ouvrage Histoire des ouvriers en France au XXème siècle (2017), la question de l’hétérogénéité n’est pas nouvelle. Elle traverse le système éducatif français depuis les Lois Ferry de 1881 et 1882.
Selon le portail lexical du CNRTL , le terme « hétérogénéité » est dérivé du latin scolastique « heterogeneitas », qui était utilisé pour désigner ce qui a un « caractère hétérogène », c’est-à-dire « ce qui est (composé d’éléments) de nature différente ».
Magdalena Le Prévost (2010), sociologue spécialisée en sciences humaines a, quant à elle, défini l’hétérogénéité comme suit :
« En sciences et sociologie de l’éducation, la notion d’hétérogénéité se définit à minima en rapport aux écarts de niveaux scolaires au sein d’une classe, souvent attribués aux évolutions dues à la massification de l’enseignement, à la suppression de certains paliers d’orientation, à la disparition progressive du redoublement, au collège unique, etc. »
Dans son ouvrage Enseigner en classes hétérogènes (2021), Jean-Michel Zakhartchouk (2020) explique que, selon Bruno Suchaut, responsable de l’Institut de recherches IREDU de Dijon :
« Le terme hétérogénéité a fait, selon lui, son apparition de manière progressive dans le langage courant des enseignants à la suite de l’évolution du système éducatif français. Cette évolution s’est traduite sur le terrain par des changements dans la composition du public d’élèves accueilli dans les établissements et la plus grande diversité des élèves est principalement le fait de deux mécanismes. Le premier tient au phénomène de massification du système qui a permis à l’ensemble d’une classe d’âge d’accéder à des parcours scolaires de plus en plus longs. Le second tient à la suppression de certains paliers d’orientation, de filières (et d’une partie des structures d’enseignement spécialisé), mais aussi à une diminution sensible des redoublements. À cela s’ajoute une évolution sociale, économique et culturelle de la société qui a provoqué des changements dans le rapport des individus à l’école. Une population d’élèves se conforme moins à la norme scolaire traditionnelle. Pour toutes ces raisons, de la maternelle à l’université, le public d’élèves s’est diversifié, tout en donnant lieu à une plus grande difficulté dans l’exercice du métier d’enseignant. Cette hétérogénéité, si souvent mise en avant dans le discours des acteurs, recouvre en fait plusieurs dimensions au niveau des élèves : niveau d’acquisition, capacités cognitives, comportement scolaire, milieu social… ».
Présentée dans les termes de Zakhartchouk, l’hétérogénéité peut ainsi devenir une opportunité pour innover dans les pratiques d’enseignement. Dans l’ensemble, nous pouvons dire que pour ces experts, l’hétérogénéité recouvre, entre autres, les éléments suivants :
- Les rythmes d’apprentissage ;
- La variété de fonctionnement des systèmes scolaires ;
- Les contextes sociaux et familiaux ;
- Les variations dans les acquis au démarrage de l’activité d’enseignement-apprentissage ;
- Les possibilités et méthodes d’accompagnement formel des élèves ;
- L’altérité linguistique et culturelle ;
- Les sources d’enrichissement hors scolaire ;
- Les approches pédagogiques mobilisées par les enseignants ;
- La (non-)prise en compte des thématiques d’inclusion et de réussite.
À l’occasion de la consultation des sources bibliographiques répertoriées sur le SUDOC, il a été identifié que les groupes-classes, tels qu’ils sont présentés dans les travaux des différents auteurs, ont des besoins éducatifs de plus en plus diversifiés. Ces besoins sont catégorisés par la littérature scientifique de la manière suivante :
- Apprenants en situation de handicap : incluant les handicaps physiques, sensoriels (ex. : surdité, cécité), cognitifs ou psychiques ;
- Apprenants allophones : élèves dont la langue maternelle diffère de la langue d’enseignement, ce qui impacte leur compréhension et expression ;
- Apprenants en situation de précarité socio-économique : confrontés à des barrières matérielles, sociales ou culturelles qui entravent leur apprentissage ;
- Apprenants à besoins éducatifs particuliers (BEP) : incluant les troubles DYS (dyslexie, dysorthographie, dyspraxie, etc.), TDA/H, ou troubles du spectre autistique ;
- Apprenants migrants ou réfugiés : souvent marqués par des ruptures éducatives ou des traumatismes ;
- Apprenants à haut potentiel intellectuel (HPI) en difficulté : bien que souvent considérés comme performants, ils peuvent rencontrer des obstacles dus à l’ennui, l’hypersensibilité ou un décalage social ;
- Apprenants en décrochage scolaire : touchés par un manque de motivation ou d’engagement envers l’école.
En ce sens, Sarrazy (2002) explique qu’en éducation, il faudrait plutôt envisager des « hétérogénéités », au pluriel. En prenant l’enseignement des mathématiques comme contexte d’exploration, le chercheur précise qu’il existe trois types d’hétérogénéité :
« 1) L’hétérogénéité exogène : trait a priori de nature non-didactique comme, par exemple, la catégorie socioprofessionnelle d’origine des élèves ;
2) L’hétérogénéité péri-didactique : ensemble des caractéristiques liées aux acquisitions disciplinaires comme par exemple le niveau scolaire des élèves en mathématiques ;
3) L’hétérogénéité didactique : définie comme une création du système didactique permettant l’ajustement des exigences fixées par le curriculum aux contraintes effectives d’un système didactique particulier (niveaux des élèves, temps, niveau de difficulté des connaissances en jeu…). ».
Compte tenu de ces trois formes possibles de l’hétérogénéité, l’intention du P.E.I a été de prendre en compte différents aspects de l’hétérogénéité sans se restreindre à l’une ou l’autre de ces formes.
